Paradoxal, une plongée sensorielle dans les méandres du rêve
Avec Paradoxal, le spectateur n’assiste pas à une simple pièce de théâtre : il est happé, immergé, troublé, jusqu’à ne plus distinguer le réel du fantasme. Cette création audacieuse, subtilement orchestrée, explore les frontières floues du sommeil paradoxal, là où les rêves s’enchaînent, se mélangent, et parfois se heurtent à une réalité vacillante.
Le point de départ est une expérience scientifique : des volontaires testent une molécule censée influencer leurs rêves. Dès les premières minutes, le public est pris dans une spirale onirique, où les scènes glissent les unes dans les autres avec une fluidité déroutante. Est-ce encore la pièce ? Sommes-nous dans les rêves des personnages ? Ou dans une hallucination collective partagée ?
Les personnages sont d’une humanité bouleversante. Le taxidermiste rêve de voler au-dessus de forêts giboyeuses — image puissante de liberté et d’instinct de prédation dompté. L’infirmière à la retraite se heurte à une fenêtre opaque, métaphore d’une vie à regarder sans jamais l’avoir vraiment vécue. L’adolescent, vibrant de colère, affronte les CRS dans des manifestations fantasmées, et la caissière aspire simplement à des vacances, rêve d’une banalité touchante. Et puis, il y a Maryline… figure énigmatique, presque totémique, dont le rêve semble traverser ou contaminer tous les autres.
La mise en scène est d’une précision chirurgicale. Éclairages mouvants, nappes sonores immersives, ruptures de rythme maîtrisées : tout contribue à créer cette sensation de flottement propre au sommeil profond. On ne sait plus si l’on entre dans un nouveau rêve ou si l’on glisse dans les souvenirs d’un autre. Ce trouble, loin d’être confus, est savamment entretenu, jusqu’à l’ultime scène, qui laisse chacun avec une question vertigineuse : et si nous étions, nous aussi, en train de rêver ?
Paradoxal réussit ce tour de force rare : capturer sur scène l’essence du rêve, avec ses ellipses, ses logiques détraquées, son intensité parfois absurde mais toujours signifiante. Une expérience théâtrale hors norme, aussi poétique qu’inquiétante, qui laisse durablement sa trace dans l’esprit du spectateur. Inoubliable.
Maxime (correspondant culturel Le Bruit du Off et Baz’Art)