« Fausse note » : quand la musique déraille et que le passé ressurgit
Il suffit parfois d’une seule dissonance pour faire basculer l’harmonie.
« Fausse note », sous ses allures de huis clos psychologique, est un choc théâtral, une montée en tension d’une redoutable précision, qui interroge la mémoire, la culpabilité, la vengeance — et ce que signifie survivre.
La scène s’ouvre sur un chef d’orchestre en pleine crise. Vient-il d’entendre une fausse note ? Ou est-ce tout son passé qui, soudain, se fissure ? Dans sa loge, un admirateur intrusif demande un autographe… mais très vite, les conventions se brisent : cet homme connaît tout de lui. Son adresse. Le prénom de sa femme. Celui de ses filles. Un malaise s’installe. Puis un vertige.
Sous la menace, le chef cherche un objet que son visiteur dit avoir dissimulé. Ce qu’il trouve est glaçant : une photo ancienne, trois hommes. Deux nazis debout. Un corps à terre. Et un pied posé sur la dépouille.
Pourquoi cette image ? Pourquoi maintenant ? Quel lien avec ce chef charismatique, programmé pour diriger l’orchestre de Berlin ?
Ce face-à-face devient un champ de bataille intérieur.
Le texte avance à pas feutrés, comme un quatuor dramatique où chaque réplique est une corde tendue. Le théâtre se transforme en tribunal moral, où les masques tombent et les plaies s’ouvrent à vif.
La question lancinante : peut-on continuer à vivre après avoir été un monstre ? Et surtout… peut-on guérir après en avoir rencontré un ?
La pièce explore ce basculement tragique : la victime qui, pour se reconstruire, est tentée de devenir bourreau.
Une spirale poignante, d’autant plus saisissante dans le contexte actuel où les violences se répondent et se répètent, où les frontières entre justice, vengeance et barbarie deviennent floues.
Les deux comédiens sont magistraux.
Ils ne jouent pas, ils incarnent. Corps tendus, regards brûlants, silences lourds comme des symphonies avortées. La haine les dévore… et pourtant, à la fin, ils se prennent dans les bras. Parce que pour haïr ainsi sur scène, il faut beaucoup d’humanité en coulisses.
Le public ne s’y est pas trompé : la plus longue ovation depuis le début du festival.
« Fausse note » n’est pas une pièce. C’est une claque. Un cri. Une mise en question brutale et nécessaire.
La musique est un art de l’harmonie. Mais certains silences, certains souvenirs, résonnent plus fort que toutes les notes du monde.
CONDITION DES SOIES – 17h20
Du 4 au 26 juillet. Relâche les 9, 16, 23 juillet
Compagnie : Des Histoires de Théâtre
Auteur : Didier Caron
Mise en scène : Mise en scène