Et si c’était elle ?

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🎭 Une pièce audacieuse, bouleversante et hilarante : quand l’amour s’invite là où on ne l’attendait pas

Il y a des pièces qui nous divertissent, d’autres qui nous questionnent. Et parfois, plus rarement, il y a celles qui font les deux avec une intelligence rare, un humour ravageur et une profonde humanité. Cette pièce-là en fait partie. Elle ose aborder un sujet encore trop peu représenté sur les planches : le handicap et l’amour, et elle le fait avec un équilibre remarquable entre tendresse, provocation, drôlerie et justesse.

Au centre de cette histoire, un duo de comédiens absolument formidables, d’une crédibilité et d’une sincérité désarmantes. Lui, c’est un mec un peu beauf, un peu paumé, sans filtre, maladroit, parfois lourdaud et souvent à côté de la plaque. Un dragueur de caniveau, presque attendrissant tant il semble incapable d’avoir une vraie conversation sans glisser une blague douteuse. Il vit à la rue, n’a plus grand-chose à perdre, mais garde une sorte de panache ridicule et touchant.

Elle, c’est une femme brillante, vive, drôle, et en fauteuil roulant. Et si la pièce évite tous les écueils du pathos ou de la condescendance, c’est aussi grâce à l’interprétation incroyablement fine et digne de la comédienne, qui ne caricature jamais son personnage, tout en nous offrant des moments de comédie d’une efficacité redoutable. Le handicap n’est ni minimisé, ni sacralisé : il est simplement là, comme une réalité avec laquelle elle vit, et avec laquelle le monde, lui, a encore du mal à composer.

Le point de départ est franchement dérangeant… et c’est ce qui fait toute la puissance de l’écriture. Il accepte de la séduire à la suite d’un pari entre potes. Une sorte de défi beauf, où chaque « conquête » rapporte des points, et où les personnes âgées et handicapées valent plus. On rit jaune, on est gênés, mais on suit. Car très vite, ce qui aurait pu n’être qu’une comédie de mauvais goût devient une véritable leçon d’humanité.

Ils passent un accord : elle l’héberge, il l’aide à effectuer les gestes du quotidien qu’elle ne peut plus accomplir seule. Et de cette proximité forcée, naît peu à peu une complicité, puis une attirance qu’il n’ose pas nommer. Lui-même est surpris par la force du sentiment amoureux qui le traverse, ce trouble rare et magnifique qui donne envie de déplacer des montagnes, de se dépasser, de se réinventer pour l’autre.

Et ce qui rend cette pièce si juste, si puissante, c’est qu’elle pose mille questions essentielles sans jamais donner de leçon. Peut-on aimer au-delà des apparences ? Comment sortir du regard social posé sur le handicap ? A-t-on le droit au désir, à la séduction, au bonheur, quand on ne correspond pas aux normes ?
Et surtout : peut-on rire de tout, y compris du handicap ?
Ici, la réponse est un grand oui. Parce que le rire n’efface pas la complexité, il la rend accessible, il l’allège sans jamais l’abîmer. Parce qu’on n’a jamais autant ri que dans cette pièce, et rarement avec autant de profondeur.

Le texte est brillant, les situations hilarantes, inattendues, culottées, souvent à la limite, mais toujours rattrapées par la tendresse sincère qui traverse tout le spectacle. Un pari audacieux, à une époque où tout semble prêt à s’enflammer à la moindre étincelle. Et pourtant, le pari est réussi haut la main.

Une pièce comme celle-ci, on en ressort ému, secoué, rempli d’espoir et d’admiration. Pour les comédiens, pour l’audace du propos, et pour cette façon rare de faire rire du sensible, sans jamais blesser.

Théâtre des Brunes – 18h

Du 5 au 26 juillet. Relâche les 9, 16, 23 juillet.

Auteur : Franck Buirod

Mise en scène : Pascal Bendavid

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