La 2ème mort de Laura Belle

Festival Off Avignon 2025

La 2e mort de Laura Belle : un huis clos sous haute tension aux parfums de film noir

Un journaliste sort grièvement blessé d’une fusillade. Il avait rendez-vous avec une certaine Laura Bell, mystérieuse informatrice qui prétendait détenir des révélations cruciales. Mais avant même d’avoir pu parler, les balles fusent. Lui s’en sort avec une blessure sérieuse. Elle, frappée de plein fouet, tombe à terre… et perd la mémoire.

Convaincue qu’il ne s’agit pas d’un simple règlement de comptes, la police soupçonne immédiatement la mafia. Et pour faire enfin tomber son chef, qu’elle traque depuis des années, elle tente un coup de poker : réunir la victime et la témoin dans une planque, dans l’espoir que les souvenirs de Laura refassent surface à la faveur du récit du journaliste.

La pièce se construit dès lors comme un huis clos tendu, psychologique, fait de silences, de soupçons et d’ambiguïtés. Le journaliste, homme bourru, aux méthodes parfois brutales, se retrouve face à une femme insaisissable. Laura Bell, belle et blessée, se tient dans la pénombre, refusant qu’on voie les cicatrices de sa chute — mais aussi celles, plus profondes, de son passé. Elle esquive les questions, se dérobe aux regards. Et lui, malgré sa méfiance initiale, se laisse peu à peu envoûter.

Ce face-à-face crépusculaire s’inscrit résolument dans la tradition du film noir américain des années 1940. On y retrouve les archétypes du genre : le journaliste-jusqu’au-boutiste, figure proche du détective privé désabusé ; la femme fatale, belle et troublante, dont on ne sait jamais si elle est victime ou manipulatrice ; une ville gangrenée par le crime, un ennemi invisible mais omniprésent. La pièce cultive cette ambiguïté morale propre au film noir, où bien et mal se confondent, où chacun semble avoir ses secrets, ses failles, ses contradictions.

Le décor minimaliste, presque étouffant, participe à cette atmosphère sombre et tendue. Les dialogues sont secs, percutants, chargés de sous-entendus. L’ombre y est reine, la lumière rare — comme dans Le Faucon Maltais ou Le Grand Sommeil, dont La 2e mort de Laura Bell semble être une lointaine héritière.

Mais là où le film noir se déployait à l’écran, cette pièce prend le pari risqué — mais réussi — de transposer ses codes sur les planches : flashbacks évoqués plutôt que montrés, tension qui repose sur les regards, les silences, les non-dits.

La 2e mort de Laura Belle joue avec notre mémoire autant qu’avec celle de son héroïne. Qui est-elle vraiment ? Que cherche-t-elle à fuir — ou à cacher ? Le journaliste est-il l’homme de la vérité… ou un pion dans un jeu plus vaste ? Et surtout : la vérité, si elle refait surface, sera-t-elle libératrice… ou mortelle ?

Un thriller sombre et stylisé, porté par un duo d’acteurs tendu comme un fil de rasoir. Et une preuve que le théâtre peut, lui aussi, manier les codes du noir, avec autant de force que le cinéma.

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