Les enfants du diable

Les enfants du diable

« Les Enfants du Diable » : un uppercut émotionnel, une claque humaine, un chef-d’œuvre du Off

Il y a des spectacles qu’on oublie dès la sortie. Et puis il y a Les Enfants du Diable. Une pièce qui vous saisit à la gorge, vous laisse le souffle court et l’âme en désordre. Présentée dans le cadre du Festival Off d’Avignon 2025, cette œuvre est bien plus qu’un moment de théâtre : c’est une traversée. Une plongée sans filtre dans l’enfer oublié des orphelinats roumains sous Ceaușescu, et une ode à la résilience comme il en existe peu.

L’histoire ? Celle de trois frères et sœurs, arrachés à leur mère dès la naissance. L’unité familiale brisée, les corps et les cœurs livrés à la violence institutionnelle, à la solitude absolue. L’une des sœurs, autiste et séropositive, est envoyée dans un mouroir, comme tant d’enfants handicapés contaminés volontairement. L’autre sœur, adoptée par une famille française, deviendra une chanteuse célèbre. Elle revient en Roumanie vingt ans plus tard, trop tard, sa sœur est morte. Il ne reste que les silences, les fêlures, les comptes à régler, avec soi, avec l’Histoire.

La force de la pièce tient dans son humanité brute. Dans cette manière de raconter l’indicible sans jamais tomber dans le pathos. Le texte est d’une justesse rare, ciselé comme un cri retenu trop longtemps. La mise en scène, sobre mais viscérale, laisse toute la place au jeu bouleversant des comédiens, qui vivent littéralement ce qu’ils incarnent. Et que dire de l’auteure et actrice principale ? Elle est une révélation. Une présence incandescente. Elle ne joue pas : elle offre son âme. À nu. Sans filtre.

« Mais quand on se balance, on reste en vie ? » demande l’un des personnages. Cette phrase, leitmotiv lancinant, hante le spectateur bien après la dernière réplique. Parce que cette pièce ne se contente pas de raconter l’histoire de trois enfants sacrifiés par un régime : elle parle de nous. De ce que nous acceptons d’ignorer. De ces enfances volées, aujourd’hui encore, dans d’autres contextes — comme en Ukraine, où des enfants sont arrachés à leurs familles.

Les Enfants du Diable est une œuvre urgente. Une œuvre qui bouleverse, qui questionne, qui laisse des traces. Un cri de douleur et d’amour mêlés. Un hommage à celles et ceux qui ont survécu, et à ceux qu’on a oubliés. Un rappel aussi, que l’amour existe. Qu’il faut parfois vingt ans pour le dire, mais qu’il peut encore guérir les plaies les plus profondes.

À l’heure où le théâtre cherche parfois son souffle, cette pièce redonne tout son sens à l’expression art vivant. Une pépite, un coup de poing, un chef-d’œuvre.

Gros, gros coup de cœur du Off 2025.

Et bonne nouvelle : elle sera à l’affiche à Paris à la rentrée. Ne la ratez sous aucun prétexte.

Maxime (correspondant culturel Le Bruit du Off et Baz’Art)

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