Xavier Guelfi ne joue pas : il plane, il percute, il désarme. Et nous, on rit, on pense, on s’envole.
Un de ces instants suspendus où le théâtre cesse d’être un simple spectacle pour devenir une expérience, un envol, une suspension lumineuse au-dessus du quotidien.
Xavier Guelfi signe ici une pépite, un bijou de finesse et de grâce, un objet scénique non identifié où se côtoient, avec une justesse bouleversante, l’humour et la poésie, la philosophie et l’absurde, le réel et l’imaginaire. Son spectacle, à la fois simple et profondément sophistiqué, désarme autant qu’il enchante.
Seul en scène, mais habité par mille voix, mille questions, mille élans, Xavier tisse un lien invisible avec nous dès la première seconde. Il ne joue pas : il partage, il propose, il nous invite. C’est un funambule des mots et des idées, qui avance sans filet, sur le fil fragile de notre attention – et jamais il ne trébuche.
Avec une aisance déconcertante, il brasse l’air… mais pas pour rien. Il le sculpte, il l’anime, il en fait naître des éclats, des étincelles, des éclaircies de lucidité et d’émotion.
Chaque geste, chaque silence, chaque mot est choisi, pesé, et pourtant délivré avec une grâce aérienne. Il plane au-dessus de la scène comme une pensée légère, un rêve éveillé. On pense à un Petit Prince tombé sur scène, maladroit mais lumineux, observant nos vies avec tendresse et perplexité. Il y a aussi du Candide en lui : un être désarmant de sincérité, projeté dans un monde trop vaste, trop rapide, trop absurde. Il observe, il s’interroge, il trébuche sur les questions existentielles, s’emmêle dans ses propres méandres… et pourtant, toujours, il avance.
Et parfois, dans certaines situations cocasses ou délicieusement absurdes, il nous évoque irrésistiblement Pierre Richard. Même gaucherie désarmante, même capacité à transformer l’embarras en poésie, la maladresse en grâce burlesque. On rit de ses dérapages, mais on rit avec lui, jamais contre. Il transforme ses chutes en envolées, ses silences en révélations, ses hésitations en éclats de lucidité.
Ses idées s’emballent, se croisent, s’entrechoquent. On rit, beaucoup. On pense, souvent. On rêve, surtout. Et peu à peu, derrière ce désordre apparent, un fil rouge se dessine : celui d’une quête. Une quête de sens, de joie, de légèreté. Une tentative sincère, presque enfantine, de comprendre comment être heureux. Et surtout, une envie généreuse de nous emmener avec lui dans cette recherche.
Xavier nous attrape dès les premières secondes, et ne nous lâche plus. Il nous embarque dans ses questionnements, ses éclats de rire, ses envolées intérieures. On est pris dans les mailles d’un filet — mais quel filet ! Un filet tissé de charme, d’intelligence, d’humanité. Il nous tient, oui. Mais surtout, il nous élève.
Et lorsque, à la fin, il s’envole — littéralement ou symboliquement — on le suit, sans hésiter. Le cœur battant. Le sourire aux lèvres. Les yeux un peu humides, aussi.
Un grand moment de théâtre. Un grand moment de vérité. Un grand moment de vie.
Merci pour ce voyage.
La Scala – 10h05
Du 5 au 26 juillet. Relâche les 7, 14, 21 juillet.
Compagnie : Les productions Scala
Auteur : Xavier Guelfi
Mise en scène : François Rollin